La journée commémorative de la Libération de Cannes a débuté à La Bocca où le maire, David Lisnard accompagné des élus et anciens combattants, a déposé une gerbe devant la stèle du souvenir dédiée à la mémoire d’Henri Bergia et Francis Tonner, au rond-point de la Résistance, avant de se rendre devant le monument aux morts de la Verrerie pour y prononcé son discours.
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Discours de David Lisnard à l’occasion du 71e anniversaire de la Libération de Cannes (cérémonie hommage à Cannes La Bocca)
Mesdames et messieurs, Chers amis,
Je suis heureux de nous voir rassemblés, et de célébrer avec vous la libération de Cannes, ici à La Bocca, qui a donné à notre ville quelques-uns de ses plus illustres héros de la Résistance emmenés notamment par Henri Bergia et Francis Tonner dont nous venons d’honorer la mémoire.
Le 24 août est un jour de fête et de souvenir ; fête de notre libération, souvenir de nos libérateurs. L’un ne va pas sans l’autre, l’un n’est rien sans l’autre. Il est également, devant l’ampleur du désastre et des sacrifices, devant aussi l’actualité qui confirme chaque jour l’expansion d’une nouvelle idéologie barbare contre les démocraties, un jour de réflexion.
Si ce quartier de Cannes La Bocca a toujours eu une identité spécifique dans notre ville, je crois qu’il le doit notamment à cette force d’âme qui a inspiré ceux de ses habitants qui, dans les fermes et propriétés alentours, ont constitué une armée secrète et clandestine ; cette armée secrète et clandestine, durant ces années d’occupation, a préparé le chemin de la victoire.
Jusqu’au sacrifice ultime de leur vie, des hommes mais aussi des femmes ont entrepris d’arracher la France à un destin contraire à son histoire, à ses valeurs, à ses traditions. Cette poignée de patriotes a eu raison des cohortes du Troisième Reich, du régime collaborationniste de Vichy, de la Gestapo. Tous les sacrifices, toutes les pertes subies, ont atteint leur but au matin du 24 août 1944. Cannes La Bocca était libérée et ouvrait le passage aux alliés pour gagner le centre ville.
Ici, ils s’appelaient, je l’ai dit, Henri Bergia, Francis Tonner, et leurs camarades tombés au cours des opérations de sabotage, des embuscades contre l’ennemi, du transport d’armes, de munitions et d’information.
Souvenons-nous que l’aube de la libération s’est levée sur leurs corps sans vie, mutilés par la pluie d’acier de l’ennemi déversée sur Saint Cassien. Souvenons-nous aussi de leurs compagnons Marius Mascarello, Sam Kadyss, Raymond Barberis qui, tout en leur survivant, ont partagé leur courage et leur honneur.
Ils sont des exemples pour nous tous ; leur nom décliné pour désigner une place ou une avenue doit être prononcé avec le respect que nous inspire le récit de leur vie et être pour chacun de nous une source d’inspiration, d’exigence morale.
Pas plus tard que ce week-end, j’entendais des jeunes discuter entre eux de la fusillade déjouée du Thalys Amsterdam-Paris. Ces jeunes partageaient leurs doutes quant à l’authenticité de l’événement. Pour eux, il s’agissait, comme dans les fantasmes complotistes entendus après le 11 septembre 2001 puis l’attentat de Charlie Hebdo, d’un coup monté. Pour eux, la question n’était pas de s’indigner qu’un homme fiché pour ses accointances islamistes terroristes, muni d’un véritable arsenal à feu, ait pu monter dans un train et projeter d’y fusiller les passagers mais bien plutôt de s’interroger pour savoir pourquoi « comme par hasard », selon leurs mots, trois jeunes américains dont deux militaires s’y trouvaient au même moment et ont pu le neutraliser ! Comme si le fait de porter une kalachnikov dans ses bagages paraissait plus ordinaire et naturel que la présence de trois touristes américains – fussent-ils soldats – dans un train reliant Amsterdam à Paris, deux capitales touristiques.
Mes chers amis, cette anecdote est significative d’un glissement dangereux des consciences dans notre société contemporaine, elle met le doigt sur une tragique dérive intellectuelle et morale de certains jeunes pour qui la vérité se situe davantage dans une partie de jeu vidéo ou des racontars anonymes sur internet que dans la vie réelle. Ce nihilisme est plus dangereux encore que les terroristes eux-mêmes, car il est à l’origine de tous les renoncements, parce qu’il évite d’avoir à se poser les bonnes questions et donc à y répondre et à agir en conséquence.
Le relativisme, le nihilisme sont la fausse intelligence des inconscients, le refuge des lâches et l’arme des djihadistes qui comptent sur ces consciences éteintes pour imposer leur doctrine.
Alors, à la manière du Général de Gaulle, ensemble, disons ici que « la flamme de la résistance ne doit pas s’éteindre et qu’elle ne s’éteindra pas », tant que nous l’alimenterons du témoignage des survivants, de l’œuvre des historiens, des valeurs qui inspirèrent les résistants.
Résister, c’est se tenir en embuscade et porter son regard au-delà de soi-même, à l’horizon de plusieurs générations. C’est veiller, défendre et construire. Lorsque Lucie Aubrac nous dit que « le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent », elle appelle à tenir face à tout ce qui constitue une menace pour l’avenir et la liberté : les peurs qui nous enferment dans l’immobilisme, le manque de courage qui plonge dans la facilité du renoncement, la sécurité d’une vie surtout sans histoire qui ferme la porte à l’imprévu, aux rencontres, à l’aventure, bref à l’autre. Cela passe évidemment par l’éducation tant à l’école que dans les familles, par l’apprentissage de notre histoire collective à laquelle doivent également s’assimiler les enfants de ceux qui sont arrivés dans notre pays après les événements. Cela passe aussi par la construction d’un projet sociétal collectif, à l’échelle européenne, nationale et locale.
A Cannes, la résistance, cette promesse d’avenir, cette promesse de l’aube, s’incarne dans les actions pour le civisme que nous mettons en œuvre et les projets que nous développons dans nos quartiers, tout particulièrement ici à Cannes La Bocca, à destination de notre jeunesse et de sa formation à travers la réalisation à Bastide Rouge du campus universitaire, de la culture et des loisirs avec le futur multiplexe de cinéma, de l’économie et de l’emploi avec l’extension de la pépinière d’entreprises qui a rempli toutes ses promesses et permis à des jeunes de s’épanouir dans un projet d’entreprenariat, de la qualité de vie enfin avec les aménagements lancés de rénovation et d’embellissement de la place Paul Roubaud pour en faire une authentique place de village, et le bord de mer dans le cadre du programme dit BoccaCabana.
Cela passe aussi par la lutte contre l’incivisme qui est un rappel aux valeurs fondamentales de la vie en société, de la vie sur l’espace public qui par définition est commun à tous et où personne n’a plus de droit qu’un autre. Retrouver le sens de la courtoisie, du respect des personnes comme des contribuables et du territoire, voilà un élément structurant d’une civilisation exemplaire.
Etre fidèles à nos aînés, être fidèles à ceux qui ont combattu le renoncement du maréchal Pétain et la tyrannie d’Hitler, être fidèles à notre histoire tout simplement et donc à ce que nous sommes dans notre identité collective, c’est évidemment se rassembler comme nous le faisons cet après midi pour faire mémoire et rendre hommage à nos morts avec respect et dignité, c’est aussi exprimer dans notre vie quotidienne cet élan extraordinaire contre les tentations du laisser-dire et du laisser-faire, bref de l’abandon.
« Vouloir libère » écrivait Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra. Puissions-nous à notre tour donner à notre liberté collective et individuelle le sens, le goût, l’élan de la volonté.
Vive Cannes La Bocca ! Vive la République ! Vive la France !
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