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A l’issue des cérémonies commémoratives du 14 juillet, David Lisnard a accueilli les Cannois sur la place de la Castre, au Suquet, pour une profonde réflexion sur le sens de notre fête nationale en 2015 et les perspectives d’avenir de notre pays.
Un discours politique (au sens noble du terme) lucide, concret et rempli d’espoir, qui fait réfléchir et invite à agir.
Discours de David Lisnard à l’occasion de la réception du 14 juillet 2015
Mesdames et Messieurs,
Chères Cannoises, chers Cannois,
Chers touristes aussi présents,
Mes chers amis,
Une question fondamentale se pose à nous aujourd’hui en ce 14 juillet 2015 : y-a-t-il encore un sens à fêter la Nation, quand nous constatons que s’y développent de plus en plus de forces centrifuges ? Qu’avons-nous encore de commun à fêter en France ? Existe-t-il encore un peuple de France, ou notre pays ne compte-t-il que des populations, des catégories, des classes hétérogènes, des communautés, de plus en plus éloignées entre elles ? Bref, tout cela a-t-il encore un sens ?
Je pose la question brutalement mais elle est légitime. Hélas. Chômage endémique, déclassement de la France, parole publique décrédibilisée notamment par un exécutif godillant et balloté au gré des passions de l’immédiateté et de son incapacité à penser l’avenir, attentats, montée du radicalisme islamiste, exode de plus en plus définitif des jeunes talents vers l’étranger, jusqu’aux succès littéraires qui illustrent ce malaise, ce mal être – au passage, je suis heureux que les livres se vendent encore et qu’ils continuent d’être au cœur du débat -, car il est tout de même significatif que deux des plus grosses ventes de livres de l’année écoulée portent comme titres Le suicide français du prolixe Eric Zemmour et Sousmission du grand Michel Houellebecq.
Une sorte de nostalgie permanente semble avoir gagné une grande partie du pays, pour des raisons parfois chimériques – l’âge d’or n’existe pas et le passé ne revient pas – parfois compréhensibles, car la perte d’autorité de l’Etat est une réalité (il suffit pour s’en convaincre de voir qu’elle vague nostalgique a envahi nos écrans lors du décès de Charles Pasqua. Pour une raison toute simple selon moi : quoi qu’on pense de l’ancien ministre de l’Intérieur, comme je l’avais dit sur une chaîne d’informations, on n’imagine pas Charles Pasqua dialoguer avec Léonarda, et ainsi abaisser la France). Et puis le Novlangue asséné à longueurs de commentaires, interviews, pseudo analyses, est devenu aussi inaudible qu’insupportable il faut le dire. Cela touche tout le panel de l’offre politique nationale, de l’extrême gauche à l’extrême droite, les mots creux prononcés forts nous indisposent et éloignent d’une action publique sérieuse et responsable. Écoutez cette petite musique qui sonne faux : « il suffit de sortir de l’euro », « la France ne cède pas », « la République est généreuse », sans oublier les célèbres « pas d’amalgame » et « ne stigmatisons pas », etc, etc.
Et pourtant, celui qui s’engage dans la vie publique ne peut se laisser aller au pessimisme et doit en permanence bâtir un optimisme de la volonté, fondé sur la franchise de la lucidité et la volonté de l’énergie positive. Et pourtant aussi, quel patrimoine, quelle culture, quels paysages, quelles entreprises, quelle jeunesse emplie de projets et d’espoirs possède notre si beau pays. C’est pourquoi, bien sûr, plus que jamais, il faut célébrer le 14 juillet et exalter le sentiment patriotique et républicain.
Mais avons-nous encore la force morale d’être conquérants, avec un destin collectif partagé ? Il le faut et c’est tout le sens à mon avis que doit revêtir la célébration du 14 juillet, dans un esprit inclusif et constructif qu’exprimait magnifiquement Teresa Cremisi, éditrice d’origine italienne, naturalisée française, dans une récente interview où elle déclarait qu’« Etre français, c’est se retrouver dans une langue, une littérature, les valeurs portées par les Lumières, une histoire glorieuse. »
En ce 14 juillet, parler de la nation et de la République, c’est rappeler quelques fondamentaux et esquisser des pistes de renouveau.
Une nation forte, c’est une nation qui se fonde sur la vitalité de ses individus.
Nous devons avoir comme préoccupation majeure de construire l’avenir, d’agir avec responsabilité pour les générations qui viennent. Or, il n’y a pas d’avenir qui puisse se construire sans ancrage dans des valeurs, dans une histoire. Et notre rassemblement sur cette place de la Castre où je suis heureux de vous accueillir pour ce moment de convivialité prend tout son sens dans ce contexte.
Ce quartier, notre Suquet, est le berceau historique de Cannes ; nous avons lancé un vaste plan d’investissements pour le préserver, l’embellir et le valoriser, puisque nous avons programmé dès l’automne prochain la rénovation de ses rues dans une démarche de piétonisation, le renforcement de l’éclairage public avec une exigence esthétique qualitative, la création d’un parking de proximité, la réalisation d’une résidence d’artistes en lieu et place de l’ancienne morgue municipale, dont nous inaugurerons d’ailleurs la première tranche à la fin du mois. Mettre de la vie là où il n’y avait que mort, n’est-ce pas en soi une révolution ?
L’homme n’existe qu’à travers ce qu’il crée, c’est cela le vrai bonheur. Je crois à la création comme vecteur d’épanouissement individuel et facteur d’intérêt collectif ; création entrepreneuriale, c’est à dire de richesse et d’emplois, création artistique, c’est à dire d’œuvres qui accomplissent le créateur et ouvrent l’esprit du spectateur. Je crois à l’art comme moyen de transmission, je crois aux couleurs d’un tableau, aux formes d’une sculpture, à la sonorité des mélodies, à la poésie des mots, à la vérité qui en découle, je crois à cette créativité capable de penser un monde meilleur. Oui, la créativité est en elle-même une valeur, et j’en suis convaincu une valeur d’avenir pour notre pays. C’est pourquoi il faut la cultiver, la stimuler par la liberté et le sens de l’émulation, favoriser la capacité de chaque individu de créer. Cette approche est au cœur de notre action pour Cannes, qui doit être un territoire fertile et porteur de la vitalité de ceux qui osent.
C’est dans cet esprit, avec ces valeurs, que je m’attache à agir chaque jour dans le cadre du mandat que les Cannois m’ont confié, afin de défendre notre identité locale, un certain patriotisme cannois qui me fait exprimer ma fierté et clamer régulièrement Vive Cannes ! Ma mission est de protéger Cannes (y compris en matière d’urbanisme comme nous avons décidé de la faire désormais strictement pour les sites remarquables comme la presqu’île et, c’est un scoop, pour le Suquet, dont la sanctuarisation urbanistitique sera inscrite dans la prochaine version du PLU) et de développer notre cité en fédérant au mieux tous les habitants. La démarche de candidature de notre ville pour les îles de Lérins et la Croisette au patrimoine mondial de l’UNESCO s’inscrit dans cette volonté de renforcer le sentiment d’appartenance à la collectivité cannoise et de rassemblement autour d’une belle et utile cause locale.
Cet état esprit et ces valeurs m’accompagnent donc dans mon engagement pour ma ville et dans l’expression de mes convictions nationales, en travaillant à un projet collectif français positif, car, je le dis clairement, je suis un patriote.
Une nation forte, c’est une communauté qui a conscience du Bien commun et se fonde sur une responsabilité individuelle.
Agir pour la République, agir pour Cannes, c’est par exemple lutter contre l’incivisme, comme nous le faisons ici désormais intensément et concrètement. L’incivisme est un reniement de l’esprit républicain et il faut s’élever contre ces glissements du comportement qui poussent à l’individualisme et au déni de l’autre. Le lien entre les citoyens passe par l’apprentissage du respect des autres, du respect de l’espace public, de l’espace commun, et les premiers résultats sont significatifs avec 2 500 PV dressés depuis l’année dernière pour jets de détritus, mictions sur la voie publique ou encore dépôts d’ordures. Nous allons désormais plus loin puisque, en plus d’être sanctionnés, les auteurs d’incivilités devront réparer. En effet, une cinquantaine de personnes condamnées pénalement seront soumises à des travaux d’intérêt général au sein des services de la mairie. Plus d’1,2 millions d’euros d’économies par an sont attendues de l’action contre l’incivisme, au profit des contribuables cannois. Le ramassage des « célèbres » crottes de chien nous coûtait 700 000 euros par an ! Le chiffre descend à 220 000 euros. C’est encore trop, mais c’est 500 000 euros d’économie par an grâce à la lutte contre l’incivisme. Je le dis, l’incivisme est un fléau plus profond qu’on ne le pense. Derrière le papier jeté par terre, derrière les encombrants déposés n’importe où et à n’importe quelle heure, derrière les débordements et occupations illicites du domaine public, il y a une question profonde qui nous interpelle avec force : qu’est-ce qu’être citoyen aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’être Français aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’appartenir à la nation ? Et la nation est-elle encore en 2015 l’élément fédérateur des citoyens de notre pays ? Oui si nous parvenons à concrétiser et exalter la force de l’universalité républicaine propre à la France, à en cultiver et transmettre la spiritualité laïque.
Une nation forte, c’est un peuple qui a une âme, dont l’unité est plus forte que la diversité tout en s’en nourrissant pour se construire un destin commun.
La nation telle que la concevait Ernest Renan, lors d’une conférence à la Sorbonne, le 11 mars 1882, est « une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. La nation, comme l’individu, est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire, voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale.
Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. »
La fête du 14 juillet est un marque page dans le grand livre de notre mémoire collective. Mais il serait vain d’en relire sans cesse le récit révolutionnaire sans transposer sa « substantifique moelle », pour reprendre l’expression de Rabelais, à notre époque et renouveler dans l’actualité de notre temps l’impulsion, la volonté extraordinaire, l’innovation du peuple de Paris résolu à surmonter tous les obstacles pour prendre son destin en main, exister en tant qu’individu et nation dans la marche de l’histoire pour décider et agir et ne plus subir.
Ne s’est-il pas creusé un nouveau fossé entre cette France audacieuse jusqu’à renverser une monarchie multi séculaire, innovante jusqu’à créer un système politique populaire, déterminée jusqu’à surmonter la Terreur et les crises de régime pour s’inscrire dans la durée, nous donnant le droit fondamental d’être libres, égaux, fraternels ; n’y a-t-il donc pas un fossé avec la France étriquée, muette, effacée dans laquelle nous vivons aujourd’hui ?
Indiscutablement, la France a besoin d’une nouvelle Révolution des cœurs et des âmes, pour son sursaut et son renouveau dans la fidélité à ses idéaux de justice et de prospérité ; un profond renouveau intellectuel et culturel, un profond renouveau politique et social, un renouveau économique et stratégique, une révolution spirituelle enfin pour renouveler – et recréer chez ceux qui l’ont perdu ou ne l’ont jamais ressenti – le sentiment d’appartenance à la nation, avec des valeurs assumées, porteuses de sens et de lien entre les citoyens.
Pour cela, nous devons résister et combattre l’attelage maléfique du matérialisme, du relativisme et du nihilisme qui tente, en l’anesthésiant, de gagner l’âme de la nation, notamment auprès de certains jeunes qui deviennent la proie des pires extrémismes totalitaires. Quel idéal, quel récit patriotique proposons-nous ? Quel souffle, quelle inspiration donnons-nous à notre identité nationale ?
Regardez l’actualité récente, , nous étions (presque) tous Charlie, tous dans la rue pour dire non à la barbarie et défendre la liberté. C’était tout simplement, je crois, un rassemblement pour la démocratie et pour la France. Le 25 juin dernier, un chef d’entreprise, père de famille sans histoire, se fait décapiter sur le sol français, sa tête est accrochée à un grillage, prise en photo et partagée avec un contact du terroriste en Syrie. Pour quelles réactions et mesures structurelles ? Attention aux capitulations. De l’habitude au fatalisme, du fatalisme au renoncement, du renoncement à la défaite, il n’y a toujours qu’un pas.
L’engagement de ces jeunes, de nationalité française, dans le terrorisme islamiste, témoigne autant de leur besoin individuel que de notre carence collective :
- besoin d’autorité, car lorsqu’ils partent s’entraîner dans les camps pakistanais
ou syriens il est certain qu’ils ne discutent pas leur obéissance aux djihadistes,- besoin d’une identité reliée à des valeurs partagées et à une histoire assumée, nous voyons là les dégâts du relativisme, d’une sorte de dénigrement masochiste de la France, de la repentance à outrance sur la fierté nationale (une France qui ne s’aime pas, c’est une France que l’on ne peut pas aimer).
- L’engagement morbide de ces jeunes terroristes exprime enfin un besoin de transcendance à travers un engagement total de soi, quitte à jouer sa vie, dans une cause que l’on croit juste et qui donne le sentiment de s’incarner, d’exister, d’avoir sa place en tant qu’individu au sein d’un groupe.
Ces jeunes basculent et plongent dans le vide de leur âme, que quelques extrémistes sont venus remplir de leur idéologie fanatique. Il ne s’agit nullement évidemment d’une justification à ce qui est injustifiable. Il s’agit seulement de bien comprendre que nous n’endiguerons pas ces phénomènes seulement par des réponses policières, judiciaires et militaires, certes indispensables – qui exigent des moyens et une fermeté durable – mais pas suffisantes. Il nous faut aussi donner une réponse morale, idéologique, en affirmant et développant la fierté d’être démocrate, républicain, français. Ce qui pousse ces barbares à franchir le pas, c’est une quête aux formes criminelles et abjectes de sens à leur vie. Ce qui les retiendra ou à tout le moins évitera la contagion de masse, c’est le sens que la République donnera à la vie de tous ses enfants, dans le cadre d’une citoyenneté positive, mâture, faite de devoirs pour tous et de protection de chacun contre les discriminations, d’équité et de reconnaissance du mérite, de fierté et de sentiment de responsabilité, garante de la dignité de chacun, porteuse de valeurs partagées, donc de force individuelle et de puissance collective.
Une nation forte, c’est une communauté dont le destin et le rayonnement se fondent sur des valeurs inclusives et vivantes, opérationnelles.
Les valeurs de la République sont des facteurs d’unification et de transformation. Elles unissent les citoyens, si elles sont fortes et affirmées. Elles permettent tout à la fois l’indifférenciation et le respect des particularités auxquelles aspire chaque individu. Le plus grand défi de la France et de l’Europe aujourd’hui est là. La question n’est plus de savoir quand nous entrerons en guerre, nous y sommes, la question qui se pose aujourd’hui est quand, comment et avec qui nous allons gagner cette guerre contre l’Etat islamique, à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières européennes. Et j’ai une pensée pour le peuple Kurde qui se bat de façon courageuse, avec quelques succès face à ses bourreaux. Comme il y a un an, j’ai aussi une pensée particulière pour tous ces Chrétiens d’Orient et toutes les autres minorités victimes de persécutions de plus en plus génocidaires, dont le drame a tant de mal à mobiliser les consciences comme l’action internationale.
Personne ne peut concevoir que les puissances militaires de la coalition engagées dans ce conflit n’aient toujours pas réussi à détruire les ressources des djihadistes, notamment les gisements de pétrole des territoires occupés, et le manque de détermination des gouvernements occidentaux et des pays voisins sur le terrain risque de nous coûter cher demain. Car, comme l’écrivait Victor Hugo, « à de certaines heures, en certains lieux, à de certaines ombres, dormir, c’est mourir » (Napoléon le Petit).
Et je crains que cet endormicement coupable, ce manque d’engagement radical face à l’Etat Islamique, ne finissent par être le Munich de notre siècle. A nous d’entretenir une certaine résistance face à tout ce qui est contraire à l’esprit de la République, à l’esprit de la démocratie, à l’esprit français.
Une nation forte, c’est un peuple fier des spécificités positives de son histoire.
Nous avons à bâtir l’avenir de la France, et donc notre propre avenir, dans la fidélité à l’histoire nationale et universelle de notre pays ; les tragédies traversées et surmontées sont là pour montrer la voie et impulser l’élan qui convient. Nous devons construire une nouvelle ambition collective, républicaine et patriote, porteuse de sens et d’espérance pour nous-mêmes et pour le monde. Nous devons restaurer la puissance de la France qui est le signe de sa grandeur, autour de nos valeurs républicaines, nos valeurs les plus universelles, celles présentes dans les quatre grands piliers de notre nationalité selon Patrick Weil, l’historien et chercheur au CNRS spécialiste de la question nationale et de l’immigration.
Le premier pilier est celui de l’égalité face à la loi, une idée qui précède de longs siècles son érection en droit absolu par l’abolition des privilèges et sa transcription dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui a inspiré par la suite celle des Nations Unies en 1948. Venue du Christianisme, et plus exactement du Catholicisme dans sa dimension universelle, la notion d’égalité préside dans notre République aux rapports des citoyens entre eux et avec l’Etat, face à la loi. En 1848, la volonté d’égalité a abouti à l’abolition de l’esclave, presque 60 ans après la Révolution. Nous voyons combien la défense de l’égalité est une entreprise à long terme et qu’elle n’est pas achevée aujourd’hui encore. Bien des combats sont à mener pour assurer tous les citoyens des mêmes droits, mais aussi des mêmes devoirs. Si les intentions sont là, la pratique manque parfois de concrétisation. Mais prenons garde aux interprétations, l’égalité des droits n’est pas le nivellement et l’uniformité des genres. Le droit ne doit pas être élaboré au coup par coup en fonction des poussés corporatistes ou communautaristes mais dans le cadre d’un projet de société commun et global.
Le deuxième pilier selon Patrick Weil est précisément celui de la mémoire de la Révolution, que nous célébrons aujourd’hui, d’une mémoire positive de notre Révolution, malgré ses massacres et ses erreurs. C’est une particularité car aucun de nos principaux partenaires n’a fait des événements révolutionnaires qu’il a connus sur son territoire sa fête nationale, hormis les États Unis. Pourquoi ? Car nous y voyons, comme les Américains, la consécration de valeurs que nous pensons universelles, et qui forgent une sorte de spiritualité citoyenne autour de notre devise Républicaine. Ce récit mérite d’être raconté et transmis aux jeunes générations et aux entrants sur le territoire national pour qu’ils fassent de ces idéaux de Liberté, d’Egalité et de Fraternité leur patrimoine patriotique français, qu’ils soient fiers d’en être les co-dépositaires contemporains.
Le troisième pilier est la défense de la langue. Il est pour moi essentiel. La langue est la marque d’une nation. Nommer les choses, c’est les faire exister. C’est ouvrir au sein de la société la voie au partage des idées et à la compréhension mutuelle sur la base d’une histoire, d’une mémoire, d’une culture commune. Une communauté de vie, c’est avant tout une communauté de langage. La France est riche d’une production littéraire exceptionnelle et enviée tant par le nombre que la qualité. Elle constitue notre patrimoine commun et entretient à travers les siècles le fil de notre civilisation. L’Immortelle Jacqueline de Romilly écrivait d’ailleurs dans ses notes publiées après sa disparition sous le titre Ce que je crois, que « La littérature est peut-être toujours un rite plus ou moins magique ; et avoir des rites magiques définit déjà une civilisation. » C’est nourri de ce passé raconté et transmis que chacun peut devenir acteur de sa propre histoire humaine et participer à l’aventure collective du pays. Et le premier lieu d’apprentissage de ce savoir est bien sûr celui de l’école, du collège, du lycée, de l’éducation nationale.
Or, à quoi assistons-nous aujourd’hui ? A un sabordage de notre système éducatif par la ministre de tutelle Mme Valaut Belkacem. La réforme du Collège menée par la ministre de l’Education nationale vient fragiliser encore davantage les fondamentaux du savoir de nos enfants, notamment dans la maîtrise de la grammaire française avec l’effacement de l’apprentissage du latin et du grec. Lorsque l’on sait que 20 % des enfants qui entrent en 6e ne savent pas lire, on peut se demander quelle intention porte réellement le gouvernement. Autre point alarmant de cette réforme, alors que nous célébrons l’avènement de la République sur le fondement du mouvement des Lumières, nous apprenons que dès la rentrée prochaine, nos enfants n’étudieront plus systématiquement l’histoire des Lumières qui devient optionnelle. Mais quel est le sens de tout cela ? Cette réforme est un déni d’histoire nationale inacceptable et dont nous paierons le prix lorsque nos enfants ne sauront plus à quelle tradition ils appartiennent. Nous ne pouvons nous y résigner et je ne m’y résigne pas. Que l’on soit Français depuis de nombreuses générations ou depuis quelques années, on se doit de s’approprier le meilleur du récit national, s’approprier l’esprit universel des Lumières, en faire une force, une fierté, un projet permanent. Voilà ce que tout jeune doit entendre et peut ressentir ! Voilà comment unifier un peuple au delà des différences et même des divergences
Hélas, savez-vous que depuis 1973 (à l’époque pour favoriser un retour au pays d’origine), il existe des classes séparées, avec des professeurs venus de Tunisie, de Turquie, du Maroc, du Portugal pour donner, dans le cadre de l’école de la République, des cours de langue et de culture d’origine aux enfants de parents issus de ces pays ? Depuis 1991, le Haut Conseil de l’Intégration, que personne ne soupçonnera d’un quelconque nationalisme débridé, ne cesse de demander la suppression de ce dispositif de cours de langue et de culture d’origine, tout simplement par ce que cela éloigne ces enfants de l’intégration et du sentiment d’appartenance à la France, leur pays. Eh bien qu’attendent nos gouvernants et nos législateurs ? Nous devons dire non à la désagrégation de notre patrimoine commun que doit être la langue française. L’appartenance à la nation française, à la République, oblige à la découverte, à l’assimilation et au partage de l’histoire de France, de sa culture et de sa langue.
Enfin, le dernier pilier sur lequel nous devons renforcer la France est celui de la laïcité. Le terme est hélas utilisé dans tous les sens et trop souvent à contresens de sa signification. La laïcité n’est pas la négation du fait religieux dans notre pays, mais la neutralité de l’Etat à l’égard des religions. Pour autant, c’est un fait, la France a une histoire marquée et inspirée de la tradition judéo-chrétienne. Ses valeurs, sa morale en sont profondément imprégnées et il suffit de relire les dix commandements pour y retrouver l’essence primitive de notre code civil et pénal. La laïcité a permis d’apaiser les tensions religieuses dans notre pays et garantit aujourd’hui encore l’équilibre, le principe d’égalité, dans le rapport de la puissance publique aux religions. La laïcité dispose qu’aucun dogme religieux, aucune directive religieuse, ne peut prévaloir sur la loi de la République. Il n’y a donc pas de juifs de France, de musulmans de France ou de chrétiens de France, mais des Français tout simplement, des Français de confession chrétienne, juive, musulmane ou bouddhistes, athées, agnostiques, libre-penseurs, etc, des Français avant tout. Je crois que le triomphe de la laïcité, qui est aussi une sécurité pour celles et ceux qui au sein d’une famille pratiquante veulent garder leur libre arbitre et ne pas se soumettre à une culture patriarcale tout en comptant sur l’Etat pour garantir leur liberté, passe aussi par notre manière de nous exprimer, de nous définir.
Et c’est ici qu’il convient d’évoquer le rôle majeur, structurant, de la famille, car c’est là que commence l’expérience de la vie commune, de la vie en groupe, de la vie en société. La famille est une transposition de ce qu’est la nation, elle doit être un lieu d’initiation, de formation, de transmission, d’éveil, bref d’éducation à la conscience nationale et républicaine. C’est au cœur de la famille que se joue l’enracinement de l’individu dans la société, son rapport à l’autorité à travers celle de ses parents d’abord, et la relation aux autres. Combien d’enfants sont laissés à leur bon vouloir dans des familles où les parents ont démissionné, renonçant à leur responsabilité, avant de reproduire le même schéma de rapport de force à l’école, faisant la loi devant leurs professeurs, pour finir en petits caïds de quartier ou en enfants gâtés capricieux, futurs adultes égoïstes et dépressifs ?
Il est essentiel de conforter les parents dans leur rôle social et éducatif, d’accompagner la croissance de l’enfant à travers des structures culturelles et de loisirs saines qui contribuent à l’ouverture d’esprit de l’individu et construisent du lien avec la collectivité. A ce titre, la Mairie de Cannes, à travers la mise en place d’un Conseil municipal des jeunes cannois concrétise cette volonté de responsabiliser chacun à sa vocation citoyenne, mais aussi à travers différents ateliers culturels dans les musées, artistiques avec le conservatoire, mémoriels en lien avec les archives municipales, de donner à nos enfants le goût du beau, le goût du savoir, la conviction que chacun est rattaché dans sa ville à une histoire et à un territoire à respecter et à promouvoir. C’est aussi le sens des ateliers pédagogiques que nous avons mis en place dans les écoles pour sensibiliser dès le plus jeune âge les Cannois à la lutte contre l’incivisme.
La famille, l’égalité de droits, la mémoire constructive et porteuse de sens de notre histoire, la langue française, la laïcité sont des éléments constitutifs de l’identité française que nous devons protéger, je dirais même sanctuariser, comme socle de notre société républicaine et force de notre nation.
La France doit avoir un message porteur de sens, de dignité et d’espérance authentique, crédible et surtout vécu de l’intérieur pour tenir face aux assauts du communautarisme qui la fragilisent alors que tant de chantiers l’attendent déjà. Quand la République est hésitante, qu’elle est soit molle soit injuste, qu’elle n’apparaît pas comme la meilleure protection des individus et des valeurs collectives, que la France a honte d’elle-même, alors les communautés gagnent et le pays tombe en déliquescence, ce qu’amplifie notre perte de compétitivité économique.
Une nation forte, c’est un pays où les individus sont libres d’être dynamiques, ouverts et prospères.
La crise économique de la France que le gouvernement ne parvient pas à juguler, aggravant même chaque jour la situation sociale de nombreux compatriotes, des chômeurs, des retraités, des jeunes, mais aussi des entrepreneurs qui se découragent sous la pression d’une fiscalité qui tétanise tout projet, l’affaiblissement de l’apprentissage culturel et linguistique de nos enfants par la réforme de la ministre de l’éducation nationale, la menace djihadiste et la guerre à gagner contre le terrorisme islamiste, le besoin de régénérescence de nos valeurs, nous engagent à porter un nouveau projet de prospérité pour le pays, parce qu’une société prospère, au-delà des considérations matérielles, c’est une société qui peut mieux intégrer, donner de l’espoir de parcours individuels au sein du collectif.
Pour cela, les politiques doivent cesser de regarder les choses avec les lunettes du 20e siècle et de se parer des postures du « volontarisme » étatiste. L' »uberisation » de la société est une réalité. Certes elle doit être combattue quand elle manifeste de la concurrence déloyale, mais elle est aussi porteuse de croissance et, quoi qu’il en soit, traduit la révolution numérique, qui elle même concrétise l’aspiration de nombres d’individus à travailler en indépendants.
Le paradigme de la précédente révolution, industrielle et tayloriste, est en train de mourir et avec lui de régresser le modèle du salariat, au profit de l’auto-entreprenariat. Il faut le comprendre, l’accompagner, le réguler, parfois le stimuler pour libérer les énergies créatrices.
D’où la nécessité d’encourager des formations adaptées, comme nous le faisons à Cannes avec la Faculté des Métiers (par l’apprentissage) et le futur campus universitaire autour des métiers de l’écriture, des médias, du cinéma que nous allons créer dans le cœur de Cannes La Bocca, enfin avec la formation continue dont nous ancrons la présence dans notre ville, le tout avec pour but de renforcer le capital d’adaptabilité des individus, d’où la nécessité aussi de stimuler la création entrepreneuriale en soutenant ceux qui innovent, créent, produisent de la prospérité (comme à Bastide Rouge qui accueille déjà au sein de sa toute jeune pépinière municipale une quinzaine d’entreprises, start-up locales, au profit de la création d’une vingtaine d’emplois), de favoriser l’accès aux nouveaux modes de financement de l’économie, dont le crowdfunding, une économie de plus en plus des usages et de moins en moins de la propriété. D’où la nécessité enfin de réduire le poids devenu sclérosant de la sphère publique dans la société. Or, comment ne pas déplorer que la France continue d’être la championne des prélèvements obligatoires et de la dépense publique ? Les impôts et charges atteignent dans notre pays leur record, à 47 % du PIB, la dépense publique à 57 % et la dette publique à 100 % !
Quelle crédibilité a Monsieur Hollande quand il parle à Madame Merkel de la dette grecque alors que depuis six mois la dette de la France s’est encore aggravée de 50 milliards d’euros (comment Monsieur Hollande ose-t-il d’ailleurs vouloir nous faire croire qu’il est le vainqueur d’une négociation dont chacun sait en réalité que derrière les postures, il n’en a été que le spectateur) ?!
La France est désormais le seul pays de la zone euro dont le déficit budgétaire est supérieur à 4 % du PIB. Surendettement et surdéficits publics alors même que la fiscalité et les prélèvements de l’Etat, sur les particuliers, les entreprises et les collectivités, continuent de s’accroître. Dette record, impôts record, c’est la double peine pour les contribuables français.
Eh bien pendant ce temps là, nous à Cannes, nous avons depuis 18 mois réduit la dette de la Ville d’un montant historique de 22 millions d’euros, sans augmenter un seul taux des impôts communaux, et même en refusant d’appliquer la surtaxe de 20 % sur les résidences secondaires. Dans le même temps, nous réussissons à réduire les dépenses de fonctionnement et, grâce à la lutte anti-gaspillage que nous avons engagée, à concrétiser une perspective de 4,6 millions d’euros d’économies supplémentaires.
Une nation forte, ce sont des communes fortes, cellules de base de notre territoire. C’est pourquoi permettez-moi de dire qu’à l’heure où l’Etat envisage sournoisement la disparition des communes, il serait mieux inspiré de s’instruire de ce qui s’y fait et réussit à l’initiative des maires.
L’avenir de la France se joue avant tout dans les villes, et je suis farouchement opposé au projet envisagé par quelques technocrates et bureaucrates qui, au nom d’une fausse modernité, à travers notamment la loi dite NOTRe en cours d’adoption au Parlement, veulent supprimer dans les faits l’autonomie, donc l’existence réelle d’un des fondements et des piliers de notre nation républicaine dans ses territoires : les communes. Oui, la commune est certainement l’institution de la République qui fonctionne aujourd’hui le mieux, qui agit le plus, qui répond le plus vite aux attentes des citoyens grâce à sa proximité immédiate et à la responsabilité permanente des élus qui en assument la direction. Responsabilité auprès des habitants sur le terrain, responsabilité élective à chaque échéance, responsabilité réputationnelle devant les médias, responsabilité pénale, responsabilité morale devant vous. Evidemment, je suis favorable à la mise en commun de compétences et de moyens sur des problématiques générales au sein d’intercommunalités, dès lors que cela permet d’être plus efficace et économe et que cela résulte de la volonté souveraine des communes et non d’imprécations administratives, mais pas au prix de l’effacement, de la dissolution d’une collectivité qui est au cœur du pacte républicain depuis ses origines. Or, c’est ce qui nous attend si les évolutions législatives de la loi NOTRe se concrétisent.
Elles vont faire des intercommunalités, non pas ce que nous nous attachons à mettre en œuvre au sein des Pays de Lerins, c’est à dire un outil partagé de cohérence et de mutualisations choisies, mais des machins de plus, ajoutant un échelon entre des communes identifiées par les habitants mais de plus en plus moribondes et des départements qui devaient disparaître avant d’être maintenus, sans oublier des Régions qui doivent désormais produire nombre de « schémas » et autres paperasseries coûteuses de temps, d’argent et de capacité de décision. C’est ce que j’appelle la soviétisation de la société, et c’est une calamité.
Une nation forte, c’est vous, c’est chacun d’entre nous.
Mes chers amis, plus que jamais, la France doit se remettre en cause de façon constructive, plus que jamais la France doit proposer une nouvelle ambition de puissance pour ressouder sa nation, une puissance pacifique certes mais capable de se défendre, une puissance économique et morale, car l’une ne va pas durablement sans l’autre, une puissance porteuse de simplicité et d’avenir, une puissance porteuse de sens, celui de la République.
« Transformer le destin en chance, voilà l’affaire du courage », cette citation de la philosophe Cynthia Fleury nous invite, au-delà des difficultés, à franchir les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser sur notre route, pour saisir notre destin à pleine main, à la manière du peuple de Paris le 14 juillet 1789, et d’en faire une chance pour nous, pour nos enfants, pour la France dont il nous appartient de poursuivre le récit national qui ne peut se concevoir, comme le disait le Général de Gaulle, que dans la grandeur.
Vive Cannes ! Vive la République ! Vive la France !
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