A l’occasion du 43e anniversaire de la mort de Georges Pompidou, David Lisnard rend hommage à l’ancien président de la République décédé dans l’exercice de son mandat en 1974.

Georges Pompidou dans son bureau de Latour Maubourg
Tribune de David Lisnard
L’industrialisation et la poésie : l’exemple de Pompidou
« Rendre à l’individu le goût de l’idéal », ainsi parlait Georges Pompidou, Président de la République française de 1969 à 1974. Durant son mandat il a veillé avec un soin intelligent à concilier l’essor industriel et l’audience artistique de la France. Cet équilibre des nécessités reflétait la vraie nature de cet homme au patriotisme ouvert sur le monde.
Dans notre mémoire collective, il reste un Président respecté pour sa fonction et pleuré pour sa personne un soir d’avril 1974 lorsque le programme de l’ORTF s’est subitement interrompu pour annoncer la nouvelle de sa mort. Le chagrin éprouvé alors transcendait tous les clivages et les appétits fourbis de longue date dans la coulisse élyséenne. Les Français voyaient surtout disparaître une figure forte et protectrice.
Il ne s’agit pas de cultiver la nostalgie d’un âge d’or fantasmé mais de nourrir notre présent des enseignements d’un Président incarnant comme nul autre la fidélité aux racines et le sens de l’action, conciliant le classicisme et la modernité, unissant le bon sens terrien et la conceptualisation intellectuelle.
Pompidou, c’est à la fois l’industrialisation et la poésie, le cantal et la capitale, le dynamisme entreprenarial et la reconnaissance de l’art contemporain.
Les années Pompidou étaient des années laborieuses certes, mais fertiles, douces, presque insouciantes et souvent insolentes ; celles d’une France qui s’affirme et s’affermit, confiante en elle et dans son avenir. Notre pays connaissait le redressement inédit d’un après-après-guerre fait de plein emploi, avec du travail pour ceux qui avaient un métier…
Le Général de Gaulle dès novembre 1947 écrivait en réponse aux vœux d’anniversaire que lui adressait Georges Pompidou : « l’avenir ne nous appartient pas mais il s’y prête ». Cette formule pourrait résumer les années Pompidou, en y ajoutant bien sûr la volonté d’un homme, son intelligence audacieuse, son esprit curieux et sa sensibilité visionnaire. Il n’avait peut-être pas l’âme d’un combattant politique tel qu’on se le représente, mais il avait la volonté de vaincre. Et surtout une disponibilité rare à la nouveauté, un appétit culturel transgressif, une fidélité absolue aux valeurs bourgeoises.
Cette fermeté de caractère a reçu la reconnaissance de François Mitterrand, qui a dit de Georges Pompidou « peut-être était-il plus grand qu’il ne fut ». Quand Jarnac rend hommage à Monboudif !
La France de Pompidou, c’était d’abord celle de la confiance et des valeurs intrinsèques d’un peuple fier et libre, dans un pays où le bonheur simple reposait sur un socle commun de traditions solides et partagées, tout en s’ouvrant sur le monde.
La France de Pompidou, c’était aussi celle du progrès, de la réforme, tournée vers les défis de demain. Pompidou a su tirer parti de la fin d’une époque. Il a su prendre la mesure de Mai 68 et anticiper les mutations sociales tout comme le déclin des industries vieillissantes.
Il savait que dans la nouvelle ère qui s’ouvrait, la France ne pourrait pas se refermer sur elle-même, verrouillée par des normes et cadenassée par des contraintes obsolètes, recroquevillée sur des utopies empruntes de démagogie. Le train à grande vitesse, le nucléaire civil, la filière Airbus, le programme Ariane, le Concorde, les autoroutes, les choix de Pompidou ont modernisé et développé notre pays.
La France de Pompidou, c’était aussi celle de la culture, à la fois classique et contemporaine, qui se distingue du reste du monde. Jean-Luc Godard, Courrèges, Serge Gainsbourg, Pierre Paulin, entre tant d’autres, ce brassage à la française, rayonnant, c’était l’esprit Pompidou. Homme de lettres et d’arts, amateur de poésie, de design et d’architecture, il a su proposer une nouvelle politique de la culture qui soit au cœur de l’épanouissement national.
Car oui, il y a bien une esthétique donc une culture françaises.
C’est le ciment de notre Nation et elle est un facteur essentiel d’épanouissement individuel, porteuse d’identité collective et d’ouverture, un catalyseur de richesse et d’emplois, un outil d’attractivité territoriale et de rayonnement international. « L’art est l’expression d’une époque, d’une civilisation, (…) le meilleur témoignage que l’homme – et aussi une nation – puisse donner de sa dignité » disait Pompidou.
Indéniablement, la culture est le levier d’une spirale vertueuse qui doit contribuer à faire se ressaisir et rebondir la France. C’est la clé du futur de notre pays dans la fidélité à son passé.
Outre l’héritage économique, industriel, européen, artistique, intellectuel, Pompidou a laissé un message : l’engagement en politique ne se fait pas en s’exprimant sur ce qui permet de glaner des voix mais bien en portant haut et fort, chevillées au corps, ses idées, en inscrivant des repères.
« Penser n’importe comment, dire n’importe quoi, procure toujours une satisfaction immédiate. À terme, quand les choses se tranchent, il faut supporter l’insupportable ». La citation du dramaturge autrichien Grillparzer est pleinement appropriée à certaines déclarations récentes de candidats à l’élection présidentielle.
La vacuité bavarde, le vide de sens, le vide d’idées, le vide d’actions fortes, accompagnent la dictature de l’immédiateté et de l’émotion, au point de perdre tout contact avec la perspective. Qui aujourd’hui projette son action à 10, 20, 50 ans ? Pompidou était de ceux-là.
Lui aussi n’a pas été épargné. Il a enduré les rumeurs et les faux scandales, il a subi l’affaire Markovic qui a porté atteinte à tort à l’honneur de sa femme. Il a surmonté les épreuves, outrepassé les préjugés et les calomnies. Ses racines, ses valeurs, ses idées ont fait sa force et sa solidité. Cette solidité culturelle sans laquelle il n’y a point de liberté.
Le déclin de la France vient de la négligence de sa liberté. Le renouveau de la France viendra d’une reconquête industrielle, économique, intellectuelle, artistique, institutionnelle, par la liberté.
Et cela se joue au plus près de la réalité, dans les villes et les villages de France, là où sont les potentialités, la créativité, les talents, l’énergie, les solidarités, le sentiment d’appartenance. Les années Pompidou ne relèvent pas du concept, d’une abstraction, mais bien d’un esprit, d’un souffle et d’une vision. C’était la France de tous les possibles. Cette France que nous devons et pouvons régénérer. »
David LISNARD, maire de Cannes
Le 02 avril 2017
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